Peu avant l'an 1600, le Duc Charles de Croÿ, puissant seigneur des Anciens
Pays-Bas, demandais à l'aquarelliste Valenciennois Adrien de Montigny
de courir la campagne afin d'y effectuer le recensement de ses possessions. A
chaque bonne saison, le peintre croquait alors chacun des villages de France et
de Belgique. L'hiver venu, c'était en son atelier qu'il reproduisait ses dessins
à la gouache sur des parchemins qui étaient ensuite rassemblés dans des albums.
C'est ainsi qu'on dénombre environ deux mille cinq cents miniatures de Croÿ,
chacune d'elles, toujours enjolivée d'une note personnelle d'Adrien de
Montigny, s'encadrant d'un décor de fleurons, rubans, volutes, voire de
fermaux, guirlandes de fleurs, de fruits ou d'oiseaux.
Observons dans le détail le dessin effectué par le peintre lors de son passage, il y a quatre siècles à Curgies, dont l'orthographe en cartouche est celle adoptée depuis l'an 1349. Le caractère bucolique d'un payage rural s'impose d'emblée, sa dominante verte étant ponctuée de taillis et d'arbres fruitiers en fleurs.
Au premier plan, une levée de terre donne la perspective d'une scène champêtre où se distinguent un berger et ses moutons au milieu d'un pré. On découvre la formation du village autour de l'église au toit rouge, le portail d'entrée de celle-ci s'ouvrant au centre de la nef droite. La tour carrée revêtue d'une modeste croix est percée de quatre abat-sons. (Cette église qui remplaçait vraisemblablement celle qui fut incendiée par de le Duc Jean de Normandie deux siècles auparavant, va être détruite à son tour peu de temps après. Un nouvel édifice sera construit de 1616 à 1751)
A gauche du dessin se détache l'imposant domaine de la Seigneurie de Gaspar et Cockaert (elle sera reprise plus tard par les familles de Sars et Beausart). On y voit aussi la cense des religieux de l'ordre des Prémontrés de l'abbaye Saint-Jean de Vicoigne, ceux-ci étant installés à Curgies depuis 1143. La disposition des différents bâtiments aux façades et pignons percés de nombreuses fnêtres d'articule autour d'une cour.
Mais c'est vraiment à la droite du Sanctuaire que s'étend l'agglomération, les maisons étant représentées serrées les unes contre les autres. Au XVIème siècle, vingt-cinq foyers sont dénombrés pour une centaine d'âmes. Le ruisseau qui encercle le domaine et court vers la droite pour disparaître sous un petit pont donne à penser qu'il s'agit du Riot Salin et du Pont à Loups. Quand au petit chemin cerclé de haies où deux promeneurs s'engagent il pourrait être celui dit de Maresches (l'actuelle rue du 11 Novembre) ou encore la rue
Appocuin, (l'actuelle rue Jean Baptiste Derode). A l'horizon tournoient quelques oiseaux sous un ciel clair et à perte de vue s'étend cette plaine bocagés de la colline de Wutt (Site du Fort de Rochambeau et de la décharge). De ce précieux témoignage typographique d'un passé lointain subsistent encore quelques traces originelles. A vous de décourvrir en vous offrant une promenade pastorale.
Mme Rose-Marie Bultot